Le jeu du chat et de la souris : les coûts cachés de Wawacity

Depuis deux ans, le site de téléchargement illégal Wawacity se déguise sans cesse pour échapper aux radars. Derrière cette fuite numérique, une réalité plus complexe qu’il n’y paraît.

Depuis octobre 2022, la toile francophone est le théâtre d’un affrontement silencieux entre les ayants droit et un administrateur anonyme déterminé à faire survivre Wawacity, comme en témoignent plusieurs analyses sur les menaces numériques actuelles. Ce site de téléchargement illégal, bien connu des internautes en quête de contenus gratuits, joue une partie effrénée de cache-cache avec la justice. Pour rester accessible, il change d’identité à un rythme effréné, alternant noms de domaines et redirections, sous l’œil impuissant des autorités. Mais derrière ce ballet numérique se cachent des coûts, des stratégies bien rodées, et une forme de résistance numérique organisée qui questionne l’efficacité des dispositifs actuels de lutte contre le piratage.

Wawacity n’a jamais été aussi insaisissable.

Depuis octobre 2022, l’administrateur du site wawacity multiplie les changements d’URL comme un prestidigitateur change de cartes. Pas moins de 51 noms de domaine ont été enregistrés en moins de trois ans. Chaque fois qu’un domaine est bloqué par décision de justice, un autre surgit. Ce stratagème, à la fois simple et efficace, repose sur une infrastructure minimale mais redoutablement flexible.

Les autorités et les ayants droit, représentés en France par des entités comme l’Hadopi – désormais intégrée à l’Arcom – et les organisations professionnelles de l’industrie culturelle, tentent de suivre le rythme. Mais chaque blocage judiciaire, aussi rapide soit-il, ne fait que déclencher la naissance d’un nouveau domaine, relançant le cycle sans fin de la traque numérique. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’est intensifié, s’organisant autour d’une véritable routine de survie.

« Un investissement récurrent pour une hydre numérique à mille visages. »

Ce jeu de dupes a pourtant un coût. Contrairement à l’idée d’un piratage entièrement gratuit, maintenir un site illégal en ligne nécessite des investissements réguliers. Les noms de domaine, bien que souvent bon marché, représentent une dépense non négligeable lorsqu’ils sont multipliés. Sur les 51 domaines recensés par ZATAZ, la majorité s’appuient sur des extensions peu courantes, mais stratégiques : elles sont moins surveillées, plus flexibles et parfois hébergées dans des juridictions moins regardantes. Des extensions comme .ink, .click, .digital, ou encore .beer ou .fit, dont les prix varient fortement selon le registrar. Bref, à la question : quelle est la nouvelle adresse de Wawacity ? Même l’administrateur ne connait pas celle du mois prochain !

En se basant sur les tarifs moyens pratiqués par des plateformes comme Gandi.net, LWS ou Namecheap, on peut estimer que chaque domaine coûte en moyenne entre 10 et 25 euros par an. Certaines extensions atteignent même près de 90 euros. Le calcul est simple : pour 51 domaines, l’investissement total dépasse les 1 000 euros. Une somme modeste à l’échelle d’un site générant des revenus publicitaires, des commissions via des services affiliés, ainsi que des partenariats avec des groupes initiateurs d’IPTv illicites.

Derrière l’instabilité des URLs, une redoutable stabilité stratégique.

Mais jusqu’où ce jeu du chat et de la souris peut-il aller ? Le modèle de Wawacity repose sur une précarité assumée. Il ne cherche pas la stabilité, il cherche l’accessibilité. Ce qui importe, ce n’est pas de construire un site durable, mais de garantir un point d’entrée fonctionnel, même temporairement. Cette logique est à l’opposé de celle des ayants droit, qui misent sur le démantèlement juridique et la dissuasion. Résultat : deux temporalités qui s’affrontent. L’une est rapide, fluide, mutante ; l’autre est lente, procédurale, contrainte.

Certains observateurs pointent l’inefficacité croissante des méthodes traditionnelles. Les blocages judiciaires, bien qu’en hausse, semblent toujours en retard d’un train. Pour chaque victoire sur un nom de domaine, une nouvelle adresse surgit, identique à l’ancienne. Comme le montre la chronologie dessinée par ZATAZ, les suffixes changent.

Pour les ayants droit, l’enjeu est crucial. Le piratage numérique continue de représenter un manque à gagner considérable pour l’industrie culturelle. Films, séries, jeux vidéo, logiciels, livres… Tous les contenus sont touchés. Et malgré les campagnes de sensibilisation, une frange non négligeable d’internautes continue de recourir à ces sites, souvent en connaissance de cause. Le prix, la disponibilité, ou simplement l’habitude jouent un rôle majeur dans cette persistance du piratage. La grande mode de l’IPTv illégal n’arrange pas les choses.

Quant à l’avenir de Wawacity, il reste incertain. Le site pourrait tomber demain sous le coup d’une opération internationale. Ou bien continuer à muter, à se réinventer à chaque tentative de suppression. Car tant que la demande existera, l’offre trouvera toujours un moyen de renaître. Le numérique, par sa nature même, facilite cette résurgence.

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Chronologie

20 oct 2022 |-> wawacity.tel
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21 oct 2022 |-> wawacity.ink
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28 oct 2022 |-> wawacity.moe
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14 nov 2022 |-> wawacity.bond
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12 jan 2023 |-> wawacity.tech
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09 fev 2023 |-> wawacity.hair
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25 fev 2023 |-> wawacity.cloud
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10 mar 2023 |-> wawacity.onl
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24 mar 2023 |-> wawacity.uno
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07 avr 2023 |-> wawacity.boo
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29 avr 2023 |-> wawacity.pics
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26 mai 2023 |-> wawacity.quest
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09 jun 2023 |-> wawacity.cyou
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24 jun 2023 |-> wawacity.foo
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08 jul 2023 |-> wawacity.bet
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21 jul 2023 |-> wawacity.homes
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09 sep 2023 |-> wawacity.rocks
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22 sep 2023 |-> wawacity.pink
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07 oct 2023 |-> wawacity.rsvp
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20 oct 2023 |-> wawacity.kim
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10 nov 2023 |-> wawacity.fit
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01 dec 2023 |-> wawacity.autos
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15 dec 2023 |-> wawacity.boats
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05 jan 2024 |-> wawacity.yachts
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19 jan 2024 |-> wawacity.city
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01 mar 2024 |-> wawacity.nl
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14 mar 2024 |-> wawacity.tokyo
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19 jul 2024 |-> wawacity.ing
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13 sep 2024 |-> wawacity.gdn
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28 sep 2024 |-> wawacity.cfd
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15 oct 2024 |-> wawacity.click
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27 oct 2024 |-> wawacity.beauty
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09 nov 2024 |-> wawacity.run
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22 nov 2024 |-> wawacity.makeup
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29 nov 2024 |-> wawacity.trade
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06 dec 2024 |-> wawacity.center
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13 dec 2024 |-> wawacity.tools
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10 jan 2025 |-> wawacity.im
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17 jan 2025 |-> wawacity.supply
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23 jan 2025 |-> wawacity.party
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30 jan 2025 |-> wawacity.mom
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07 fev 2025 |-> wawacity.lat
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14 fev 2025 |-> wawacity.blog
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21 fev 2025 |-> wawacity.social
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07 mar 2025 |-> wawacity.food
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14 mar 2025 |-> wawacity.tattoo
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22 mar 2025 |-> wawacity.tips
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28 mar 2025 |-> wawacity.gratis
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04 avr 2025 |-> wawacity.digital
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11 avr 2025 |-> wawacity.bike
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17 avr 2025 |-> wawacity.beer

Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. Il s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. ZATAZ.COM est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (17) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Finaliste 2023 du 1er CTF Social Engineering Nord Américain. Vainqueur du CTF Social Engineering 2024 du HackFest 2024 (Canada). Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. 9ème influenceur Cyber d'Europe. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Réserviste de la Gendarmerie Nationale (Unité Nationale Cyber - réserve volontaire citoyenne) et de l'Éducation Nationale Hauts-de-France. Médaillé de la Défense Nationale (Marine Nationale) et de la médaille des réservistes volontaires de défense et de sécurité intérieure. (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.
  1. damien Reply

    Et l’article ne parle que de Wawacity, le site principal. Sachant que la « galaxie » Wawacity regroupe aussi les clones des anciens sites suivants : Annu*ire-Telechargement, Extr*me-Down, Tir*xo, Zone-Annu*ire, Zone-T*lechargement et probablement d’autres qui utilisent tous la même extension que celle du site principal.

    Ils s’appuient sur la même base de contenu partagé (films, séries, musiques, logiciels, etc.) mais ont chacun un aspect différent, repris du visuel du site cloné. Quant à la base de données des utilisateurs et des commentaires, elle reste propre à chacun de ces sites.

    Donc au final l’investissement pour le changement de nom de domaine estimé à environ 1000€ est bien en dessous de la réalité car il faut le multiplier pour chacun de ces autres sites.

    • Damien Bancal Reply

      Bonjour,
      Oui, effectivement. Nous nous sommes surtout intéressé à la course poursuite des ayants droits et aux url du pirate.

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