Piratage : des milliers d’employés contraints par la force à monter des escroqueries

Une enquête édifiante proposée par le journal américain Los Angeles Times raconte la vie de milliers de personnes employées par la mafia pour orchestrer des piratages et escroqueries informatiques.

Tout débute par une petite annonce. Elle propose de travailler par un call center, un centre d’appel spécialisé dans les nouvelles technologies. L’emploi semble attractif, d’autant plus que le salaire est bon. Des milliers de jeunes chinois et chinoises, mais aussi du Vietnam, de Malaisie, de Taïwan et de Hong Kong seraient tombés dans le piège. Une fois « recrutés », les nouveaux employés sont envoyés au Cambodge. Des hommes armées les accueillent, les passeports sont saisis. Dorénavant, ils vont devoir piéger le maximum de personnes sur Internet et par téléphone.

Scam à l’amour

Vieille comme le monde, cette arnaque consiste à piéger des interlocuteurs et/ou interlocutrices dans des espaces de discussions, WhatsApp et Messenger en tête. L’idée de l’escroc, vous faire croire à une idylle naissante.

Ne pensez pas que cela ne fonctionne pas ! La solitude d’un grand nombre de personnes fait que l’appât est facile. L’arnaqueur/l’arnaqueuse soutire de l’argent en expliquant venir en avion rencontrer l’être aimé, payer une consultation médicale, une opération, le taxi, la perte de valise, etc. Bref, la mafia surfe sur le scam.

Gold farming

Il y a une dizaine d’années, je vous montrais les fermes à jeux vidéo. Du « gold farming » forcé permettant aux pirates locaux de construire des personnages de jeux vidéo aux niveaux « level » très élevés. Le jeu World of Warcraft était une des cibles des « fermiers » avec ses pièces d’or et autres pouvoirs virtuels. Les personnages étaient revendus, ensuite, à des internautes pressés de briller dans leur communauté. Mais pour ce faire, des « employés » étaient obligés de jouer, nuit et jour.

Les autorités cambodgiennes confirme le chiffre de 100 000 employés. Mais pour le gouvernement, il ne s’agit pas d’esclavage, « de simples conflits entre salariés et employeurs, à propos de différends contractuels » explique Radio France. « Les criminels ne sont limités que par leur imagination« , a déclaré Jason Tower, de l’Institut américain pour la paix et expert des syndicats criminels transnationaux chinois.

Les travailleurs qui atteignent leurs objectifs sont récompensés. Ceux qui échouent sont torturés et vendus à d’autres gangs sur des applications de messagerie privées telles que Telegram. Les syndicats dirigent leurs opérations un peu comme les entreprises privées essayant de motiver une force de vente. La grande différence : les employés ne sont pas autorisés à partir.

En juillet 2022, le département d’État américain a rétrogradé le Cambodge au niveau le plus bas de son indice de traite des êtres humains, le plaçant aux côtés de l’Afghanistan, de la Syrie et de la Corée du Nord. Bilan, le gouvernement cambodgien a lancé des opérations policières. Des dizaines d’entreprises dans la capitale, Phnom Penh, et dans la station balnéaire miteuse de Sihanoukville ont été perquisitionnées. Des milliers « d’employés » ont été renvoyés chez eux.

Des employés forcés à travailler dans des casinos aussi.

Parmi les escroqueries, toujours en cours : les faux comptes Facebook et Instagram ; vente de faux billets pour la coupe du monde de football ; fausses plateformes dédiées à la crypto-monnaie. Les employés esclaves doivent rapporter, en moyenne via leur escroquerie, 30 000 $.

Au sujet de l'auteur
Damien Bancal (damienbancal.fr) est un expert internationalement reconnu en cybersécurité. Il a fondé le projet Zataz en 1989. ZATAZ.com est devenu une référence incontournable en matière d'information sur la sécurité informatique et les cybermenaces pour le grand public. Avec plus de 30 ans d'expérience, Damien Bancal s'est imposé comme une figure majeure dans ce domaine, contribuant à la sensibilisation et à la protection des internautes contre les cyberattaques. Sa carrière est marquée par une forte implication dans l'éducation à la cybersécurité, notamment à travers des conférences et des publications spécialisées. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (16) et articles (plusieurs centaines : 01net, Le Monde, France Info, Etc.) qui explorent les divers aspects du piratage informatique et de la protection des données. Il a remporté le prix spécial du livre du FIC/InCyber 2022. Médaille d'argent du 1er CTF Social Engineering Canadien, en 2023, lors du HackFest de Québec. Damien Bancal a également été largement reconnu par la presse internationale dont le New York Times, qui souligne non seulement son expertise mais aussi son parcours inspirant. Par exemple, un portrait de La Voix du Nord le décrit comme "Monsieur Cybersécurité", soulignant son influence et son rôle essentiel dans ce domaine. Enfin, il figure parmi les personnalités les plus influentes dans la cybersécurité, comme le souligne Le Big Data, et a été classé parmi les 500 personnalités tech les plus influentes en 2023 selon Tyto PR. Chroniqueur TV et Radio (France Info, M6, RTL, Medi1, Etc.) Volontaires de la réserve citoyenne - Gendarmerie Nationale et de l'Éducation Nationale. Médaillé de la DefNat (Marine Nationale) et de la MSV (Gendarmerie Nationale). Entrepreneur, il a lancé en 2022 la société veillezataz.com.

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